Aller au contenu

Cauchemar à la Saint Valentin

    Sur le papier, Lucas avait tout pour plaire… Depuis 3 mois, on filait le parfait amour et les choses s’annonçaient bien. Certes, nous n’avions pas encore abordé les sujets qui peuvent fâcher comme la politique ou le personnage de Friends que l’on préfère, mais nous semblions sur la même longueur d’onde, jusqu’à cette Saint-Valentin qui a tourné au désastre. Au désastre écologique pour être plus précise…

    Un dîner lourd (en empreinte carbone)

    « Ce soir, pour la Saint-Valentin, je m’occupe de tout » me dit Lucas. Parfait. Je me pomponne donc et arrive chez lui avec une petite attention particulière, une brosse à dent en bambou recyclable en guise de cadeau et de petit signe d’engagement. J’entre et je suis immédiatement saisi par les parfums divers qui s’échappent du four. Étrange…

    En entrée, les avocado toasts me montrent qu’il suit les tendances food, un peu moins les scandales liés à cet or vert qui détruit des hectares de forêt et qui engendre des violences grandissantes. Je tique, mais décide de ne rien dire pour ne pas le mettre mal à l’aise. La suite des réjouissances me montre bien que quelque chose cloche lorsqu’il apporte à table une moussaka en plein mois de février… Les produits de saison, ça lui dit quelque chose ? Il y a mieux que l’aubergine et la tomate pour me faire rêver en hiver. Comme un coup de massue, le dessert, à base de fraises, framboises et chantilly, finit de m’achever et me confirme bien que le malheureux n’a rien compris !

    Une discussion qui tourne au vinaigre

    Après tous ses impairs, je ne peux m’empêcher d’aborder le sujet de l’écologie avec lui. Sa réponse : « Ce n’est pas à notre petite échelle que l’on peut changer quoi que ce soit, alors pourquoi se faire ch***… ». Je lui parle de zéro déchet, il me répond industriel, j’aborde le tri, il évoque les grèves des éboueurs, j’avance la transition énergétique, il me vante le 4×4 de ses rêves… Comment avons-nous pu passer à côté de tant de divergences ? Moi qui tente d’éliminer le plastique de ma vie, qui fait mes propres cosmétiques et produits d’entretien, qui répare plutôt que de remplacer, qui shoppe chez des marques engagées, je me retrouve éprise de quelqu’un pour qui la simple notion d’urgence climatique semble être abstraite ! La désillusion est grande, mais j’essaie de faire bonne figure le temps de pouvoir y réfléchir au calme de mon côté. J’ai l’impression d’avoir cru au prince charmant et de me retrouver face à une grenouille.

    Le bouquet final

    Quelque peu fâchés, nous décidons, malgré tout, de poursuivre la soirée. Je lui offre la brosse à dent, soigneusement emballée dans du papier kraft recyclable, il est touché et la trouve « stylé ». Me serais-je trompé ? Pourrais-je le ramener dans le droit chemin ? À son tour de me gâter : avec un énorme paquet, où se trouve un plus petit paquet, et un autre, un autre, un autre, un autre, un autre… Des kilomètres de carton, des kilomètres de papier, des kilomètres de bolducs… Au bout de 10 boîtes, mon cœur a lâché, avant même d’ouvrir le dernier. Mes espoirs se sont envolés, la porte a claqué, je me suis libérée.

    Je ne saurai jamais ce qu’il y avait au bout, mais finalement, avec ma brosse à dent en bambou, je peux couler des jours heureux et sans déchet.